Femme brillante et talentueuse, Simone YANKEY-OUATTARA est depuis quelques mois, Coordonnatrice par intérim du Centre International de l’Union Africaine pour l’Education des filles et des femmes en Afrique (UA/CIEFFA).
Dans une interview exclusive, cette dame ayant un parcours élogieux, nous parle de sa nouvelle mission et des objectifs lui assignés par l’UA/CIEFFA.
FEMME D’AFRIQUE MAGAZINE: Depuis quelques mois, vous êtes la Coordonnatrice par intérim de l’UA/CIEFFA, en quoi consiste votre travail ?
SIMONE YANKEY-OUATTARA: Je suis Coordonnatrice par intérim du Centre International de l’Union Africaine pour l’Education des filles et des femmes en Afrique (UA/CIEFFA), depuis septembre 2022. Mon travail consiste à donner les orientations sur la mission et les objectifs de l’UA/CIEFFA.
Il s’agit entre autres, de respecter et de promouvoir le droit à une éducation équitable et de qualité pour toutes les filles et les femmes africaines, particulièrement les plus vulnérables.
Comme vous le savez, l’UA/CIEFFA est un bureau technique et spécialisé du département de l’Education, Sciences, Technologies et Innovations de la Commission de l’Union Africaine. Cette dernière travaille avec les Etats membres, les Communautés économiques et régionales, les partenaires au développement, la jeunesse, la société civile, les chefs traditionnels et religieux.
Il est question de mettre en œuvre l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, la stratégie continentale de l’éducation en Afrique(CESA 16-25), la stratégie Africaine sur la science, la Technologie et l’Innovation et les Objectifs de Développement Durable (ODD4et5) de l’Agenda 2030.
L’objectif final étant d’augmenter l’accès et la rétention des filles dans les systèmes éducatifs et l’apprentissage des filles et des femmes tout au long de leur vie pour assurer leur autonomisation socio-économique et politique.
FDM: Comment vous assurez-vous de l’atteinte de vos objectifs?
SYO: Nous avons les programmes phares que nous mettons en œuvre à travers nos différentes plateformes, en partenariat avec d’autres parties prenantes. Avec celles-ci, nous travaillons sur les stratégies de plaidoyer pour encourager les Etats membres à accélérer notamment la mise en œuvre des instruments juridiques qu’ils ont eux-mêmes adoptés et ratifiés au niveau continental et international.
En outre, nous collaborons également avec des institutions spécialisées de l’Union Africaine (UA) qui disposent de mécanismes de reportage sur les droits de la femme, les droits de l’enfant, afin que le statut de l’éducation de la fille et de la femme soit couvert dans les rapports des pays membres. C’est le cas par exemple des rapports des pays membres sur la déclaration solennelle sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique.
FDM: En ce qui concerne l’éducation des filles et des femmes en Afrique, les choses se sont-elles améliorées?
SYO: Au fil des années, l’Afrique a fait de progrès significatif en matière d’éducation des filles et des femmes.
De nombreux pays africains ont réalisé des avancées importantes en la matière, avec une augmentation du nombre des filles scolarisées et maintenues au niveau du cycle primaire, secondaire et universitaire. Plus les filles étudient les matières scientifiques, et s’inscrivent dans les filières traditionnellement réservées aux hommes.
Nous sommes heureux de constater que les Etats membres de l’UA prennent de plus en plus conscience de la nécessité d’intégrer la dimension genre dans les politiques et initiatives éducatives.
Par exemple, la Sierra Leone et le Zimbabwe sont deux pays dont les politiques visent à maintenir les filles enceintes à l’école pour ne pas interrompre leurs études, et qui permettent leur retour à l’école après l’accouchement.
Cependant, de nombreux défis subsistent toujours. Dans certaines parties de l’Afrique, surtout dans les zones rurales, les zones de conflit et post-conflit, les filles sont encore confrontées à des obstacles tels que la pauvreté, le mariage précoce, les violences sexistes et les stéréotypes de genre, les empêchant d’accéder à une éducation de qualité.
En fait, la COVID-19 est l’une des principales raisons pour laquelle la campagne « AfricaEducatesHer » (l’Afrique éduque sa fille), a été lancée afin de rattrapper les pertes d’apprentissage et d’assurer la reprise de l’apprentissage pour les filles africaines.
Afin d’évaluer ces pertes d’apprentissage et de favoriser la reprise de l’apprentissage pour les filles africaines, nous avons, en juin 2022 à Dakar au Sénégal, organisé une réunion des experts en éducation.
A la sortie de cette réunion, la déclaration de Dakar a été adoptée, appelant tous les Etats membres et les acteurs non étatiques, à donner la priorité aux réformes législatives et politiques visant à garantir la réintégration et la poursuite de l’apprentissage pour tous les enfants, les filles, en particulier. Aussi, tous les adolescents scolarisés ou non, dans les systèmes d’éducation formelle et informelle, en utilisant de multiples modes d’apprentissage alternatives.
La déclaration a aussi appelé à investir dans les stratégies d’alimentation scolaire, de santé scolaire et de nutrition sensible au genre pour augmenter le taux de rétention des jeunes filles et des femmes.
En outre, les États membres de l’UA ont été encouragés à adopter la campagne #AfricaEducatesHer pour sensibiliser aux problèmes qui ont empêché les filles et les femmes d’accéder à l’éducation pendant la pandémie de la COVID-19.
FDM: Vous avez mentionné la campagne #AfricaEducatesHer ; en quoi consiste-t-elle ?
SYO: Pendant la fermeture des classes durant la COVID-19, nous avons lancé la campagne#AfricaEducatesHer qui s’articule autour de six domaines prioritaires à savoir, combler le fossé numérique dans l’apprentissage entre les filles et les garçons; lutter contre le mariage d’enfants et des grossesses précoces; lutter contre les violences sexuelles et sexistes; lutter contre le travail des enfants, y compris le partage inégal des tâches ménagères et de la charge des soins; lutter contre la diminution des programmes d’alimentation scolaire affectant la nutrition et la santé des apprenants et plaider pour plus de services de soutien psychosocial en faveur des filles victimes de violences basées sur le genre (VBG).
Il convient de noter que nous étendrons cette campagne au-delà de la COVID-19 et qu’elle constitue un véritable cadre dans lequel les Etats peuvent intensifier leurs efforts de promouvoir l’éducation des filles.
FDM: Quelle est la feuille de route de l’année 2023 de l’UA/CIEFFA?
SYO: Nous avons un certain nombre des projets programmés pour 2023 qui s’alignent dans le cadre de la mise en œuvre de notre plan stratégique de 5 ans (2021-2025).
Ce plan stratégique vise à renforcer la résilience pour promouvoir le capital humain africain à travers l’éducation des filles et des femmes pour un développement durable.
Ce plan se déroule sur quatre axes: le cadre d’éducation sensible au genre, la réforme des programmes scolaires et la formation des enseignants, les Sciences, technologie, ingénierie , arts et Mathématiques (STIAM) et le développement des compétences, et, enfin, l’éducation dans les situations d’urgences et les contextes humanitaires.
Comme je l’ai précédemment indiqué, nous travaillons avec différentes parties prenantes, à différents niveaux, qui ont un leadership avéré dans leurs communautés et sur le terrain en ce qui concerne l’éducation des filles et des femmes.
C’est dans cette optique que nous avons déjà organisé le 14 février 2023 à Addis-Abeba, notre traditionnel dialogue de haut niveau, en collaboration avec la Sierra-Leone et l’ONUSIDA, en marge du sommet des Chefs d’Etats et de gouvernement sur le thème: « Tirer parti de la ZLECAF pour promouvoir l’éducation et le développement des compétences des filles et des femmes pour des opportunités d’entrepreneuriat ».
Nous avons également organisé une conférence à New-York, en marge de la 67ème édition de la Commission sur la condition de la femme le 9 mars sur le thème: »Accélérer l’éducation des filles et des femmes grâce à des politiques et des financements inclusifs et sensibles au genre ».
Beaucoup d’autres événements multi-sectoriels se préparent tels que notre 4ème atélier avec le Parlement Panafricain, l’atelier avec les points focaux du CIEFFA des Etats membres parmi d’autres événements qui seront co-organisés avec les partenaires au développement.
FDM: Un mot de fin?
SYO: Nous exhortons les Etats membres de l’Union Africaine ainsi que toute autre partie prenante, sans oublier les familles et les communautés, surtout notre cible( les filles et les femmes) à comprendre que l’éducation de la fille et de la femme en Afrique est un maillon essentiel, voire stratégique pour une Afrique prospère, stable et équitable que nous voulons d’ici 2063.
Anicet Mapout