Alors que la République Démocratique du Congo célèbre ses 65 ans d’indépendance, marquée le 30 juin, la rédaction de *Femme d’Afrique magazine* a eu l’opportunité de s’entretenir par téléphone avec la députée nationale Riziki Maneno Bandu. Élue de la ville de Matadi, dans la province du Kongo Central, cette médecin de formation et membre influente de la Commission sociale et culturelle à l’Assemblée nationale, également rapporteur de la sous-commission éducation, a partagé sa vision sur l’évolution de la condition et du rôle des femmes congolaises depuis l’indépendance, ainsi que sur leurs perspectives d’avenir.
Un Héritage de Lutte et d’Évolution
La députée Maneno Bandu a d’abord rappelé l’importance historique des figures féminines congolaises, citant en exemple Kimpa Vita, la « Jeanne d’Arc africaine », dont le courage au XVIIe siècle a marqué les prémices d’une conscience nationale où la femme avait sa place. Elle a souligné qu’à l’époque pré-indépendance, les femmes étaient majoritairement cantonnées aux sphères domestiques et familiales, avec une présence quasi inexistante dans les espaces publics et politiques.
L’indépendance de 1960 n’a pas immédiatement inversé cette tendance. « La participation des femmes dans les institutions restait marginale, leur présence au Parlement était très faible, autour de 4 à 5 % seulement », a-t-elle précisé. Cependant, dès les années 60-70, des pionnières comme Sophie Kanza, première femme universitaire du Congo, ont commencé à frayer un chemin, entrant dans l’administration et timidement en politique, bravant les pesanteurs sociales et culturelles.
Des Avancées Notables, mais un Chemin Encore Long

Aujourd’hui, la situation a indéniablement évolué, grâce à l’engagement persévérant des femmes et à une prise de conscience sociétale croissante. La députée Maneno Bandu s’est réjouie de voir la première femme Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, ainsi qu’un gouvernement atteignant près de 30 % de représentativité féminine, une avancée qu’elle attribue en partie à la vision de masculinité positive portée par le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Au Parlement, bien que des progrès soient encore nécessaires, la présence féminine s’est accrue, passant d’une poignée à environ 60 femmes sur 500 députés.
Malgré ces progrès, la députée a exprimé une préoccupation quant à la visibilité et à la reconnaissance des femmes dans la société congolaise actuelle. « Non, malheureusement », a-t-elle affirmé. « Bien que des avancées soient indéniables, la visibilité et la reconnaissance des femmes restent en deçà de ce qu’elles devraient être. Les femmes sont trop souvent reléguées aux seconds rôles, et leurs contributions sont insuffisamment mises en lumière. » Elle a particulièrement mis l’accent sur les femmes rurales, les entrepreneures, les enseignantes, les soignantes et les artistes, dont le travail acharné pour le développement du pays peine encore à être entendu au même titre que celui des hommes.
Un Optimisme Fondé sur la Prise de Conscience et l’Action
Pour l’avenir, la députée Riziki Maneno Bandu se montre optimiste, constatant une prise de conscience grandissante, notamment chez les jeunes générations et au sein des institutions. Elle insiste sur le fait que la parité ne doit pas rester une simple promesse, mais se traduire par des lois concrètes, des politiques inclusives et des pratiques valorisant le mérite. « Le chemin vers une société plus juste passe par l’éducation des filles, la lutte contre les violences basées sur le genre et un meilleur accès des femmes aux postes de décision », a-t-elle déclaré. Elle est convaincue qu’en travaillant ensemble, le Congo de demain sera celui où la femme occupera la place qui lui revient : celle d’égale et de partenaire dans le développement.
Pour terminer, la députée Maneno Bandu a adressé un message fort aux jeunes filles congolaises à l’occasion de cette journée
« Ne doutez jamais de votre valeur ni de votre capacité à transformer le monde. Le Congo de demain se construira aussi grâce à votre intelligence, votre courage et vos rêves. Armez-vous de savoir, d’audace et de détermination. » Elle a rappelé que l’indépendance, c’est aussi la liberté pour chaque citoyenne de choisir son destin et de contribuer à la grandeur de la nation.
Thérèse Bukasa