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Regard croisés sur l’indépendance du Congo : Une histoire machiste ?

Revenir par devoir de réminiscence, aux faits marquants le passé de la République démocratique du Congo, telle est l’approche qui sous-tend Femme d’Afrique. Soixante ans après l’indépendance, le Magazine tient les comptes et veut savoir ce qu’aura été la place sociale de la femme congolaise à travers l’histoire mouvementée de l’indépendance nationale. Si pour les uns, l’histoire de l’émancipation de la République démocratique du Congo fut écrite essentiellement par les hommes, pour d’autres, ces dernières ont effectivement joué un rôle non apparent dans ce processus en se constituant en une source de motivation supplémentaire pour leurs maris engagés dans la lutte pour l’autonomie de ce qu’était la colonie belge.       

Femme d’Afrique a donné la voix à quelques compatriotes qui ont tenté de répondre à cette question tout en portant un regard scrutateur sur les soixante ans de l‘existence de la RDC en tant qu’Etat indépendant et particulièrement sur le rôle social de la femme congolaise.  

*OBUL’OKWESS MAMBUYA, Chef des travaux à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication : « Peut-être que, si nous considérons le fait qu’être acteur d’un événement historique, c’est jouer un rôle de premier plan, oui. Mais, je sais que, dans tout théâtre, qu’il soit comique, dramatique ou historique, il y a la scène (l’apparent) et les coulisses (le non-apparent). L’effort d’analyse que nous devrions pouvoir mettre en exergue aujourd’hui, 60 ans après l’indépendance, est d’adopter une approche phénoménologique, plutôt que simplement adhocratique. En effet, aucun événement ne tombe ex abrupto. Il est toujours précédé de certains événements et souvent suivis d’autres. Nous référant à cette logique, j’estime qu’il y a eu bien d’événements où des femmes ont joué des rôles qui ont contribué à cette prise de conscience collective vers l’indépendance. Ce n’est donc pas un fait isolé. C’est aux historiens de retracer ces événements, aux sociologues et anthropologues de retrouver ces morceaux d’événements où des femmes auront joué un rôle déterminant ».

*MARINA LUKUSA, éducatrice sociale et modéliste, fille d’un ancien commissaire général sous le Président Kasa-Vubu, mère et âgée de 57 ans :

 « Les femmes ne sont pas restées indifférentes à l’histoire de l’indépendance du Congo.  Malgré que l’histoire les ait mis dans les oubliettes, elles étaient en lutte en seconde position à côté de leurs époux pour les unes. Et pour d’autres, il y a eu même la participation des femmes dans des réunions de concertation avant l’indépendance. Au cours de ces soixante ans d’indépendance, nous avons eu des premières femmes ministres, des femmes députés telle que ma tante Yowa Adèle. Je suggère que les historiens puissent fouiller dans les annales pour pouvoir réécrire cette histoire nostalgique. Et que les acquis et le cours des événements de ces soixante années d’indépendance soient inscrits à nouveau pour marquer les efforts louables consentis par la femme congolaise ».

*Denis Kimbungu, 38 ans, sans emploi :

« Les femmes sont restées muettes et coffrées dans leurs travaux ménagers au moment où leurs époux étaient au front de bataille pour obtenir cette indépendance. Aujourd’hui, elles apparaissent  sur la scène politique à faible représentativité sur leur propre droit. Mais, lorsqu’il s’agit de marcher pour revendiquer la mauvaise gestion des autorités du pays, elles sont absentes. Au lieu de chercher le bouc émissaire du récit du passé ailleurs, il serait utile de construire le présent à son niveau de responsabilité afin d’assurer le futur ».

*KATSHING MAGUY, agent de bureau au lycée, mère et grand-mère âgée de  60 ans :

« Une approche phénoménologique est mieux que de regarder en arrière. Cependant, les femmes réécrivent autrement l’histoire de leur pays dans toutes les couches sociales. Le chemin est long, mais nous sommes déjà sur cette route. Elles sont entrées à présent dans l’histoire, c’est ce qui importe. Les scientifiques notamment les historiens, les sociologues et autres ont aussi ce devoir de retracer par écrit les efforts des femmes congolaises qui militent désormais devant la scène politique du pays ».

*Gloria DJUMA, activiste des droits des femmes :

« Je suis bien consciente que les traditions accordaient une importante particulière au rôle social de la femme au foyer. Cette dernière devrait se consacrer aux tâches ménagères, à la reproduction et à l’éducation des enfants. Par ailleurs, ce rôle de femme au foyer n’exclut  pas l’exercice d’une profession, mais malheureusement,  ces traditions ont quand-même limité la zone d’influence de la femme et l’a mit en retard.

Je félicite d’ailleurs notre bravoure car aujourd’hui, personne ne peut douter que la femme est bel et bien devenue le pilier de la société et son potentiel est incontestable sur tous les plans. Depuis l’indépendance de la RDC jusqu’à ce jour, soixante années après,  le pays compte désormais l’apport féminin. Nous avons des femmes ministre, députés etc.  Le pourcentage des femmes est encore faible, je dois le reconnaitre, mais c’est un stimulant qui doit nous motiver à encore travailler et retravailler jusqu’à obtenir la parité tant attendue de 50/50. J’en profite pour éveiller la conscience des femmes. Sortons de nos zones de confort et osons ».

*Rabbi Kano, écrivain âgé de 28 ans : 

« L’histoire de l’indépendance de la RDC concerne d’abord tout citoyen congolais, c’est- à -dire, chaque personne, homme ou femme qui appartient à ce pays. L’histoire de l’indépendance le concerne aussi. Par ailleurs, ce n’est pas faux de dire que les femmes sont dans les oubliettes eu égard à cette date emblématique et historique, elles sont un peu indifférentes. Ceci explique même la place que la société congolaise attribue à la femme. Elle y est toujours considérée comme un être inférieur à l’homme. Il y a peu de femmes qui en parlent. A ce jour, cette histoire raisonne rarement dans le cerveau de la femme congolaise ».

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