Portrait

Lauren MUNTU: « Le métier manuel est une très grande opportunité à saisir pour nous les femmes »

Mariée et mère de quatre enfants, Lauren MUNTU est une femme entrepreneuse congolaise œuvrant dans la maçonnerie paysagère, dans la décoration intérieure et dans la peinture. Diplômée en Sciences commerciale et financière en option Marketing à l’Institut Supérieur de Commerce (ISC), c’est à Kinshasa qu’elle retrace son cursus universitaire.

Après ses études supérieures, Lauren MUNTU entame une étape importante de sa vie, celle de sa  carrière professionnelle. Elle sera embauchée d’abord dans une société privée de la place. Et ensuite, elle travaillera dans un autre établissement cette fois-ci publique. Son talent l’amènera loin de la capitale congolaise. Finalement, c’est à Goma, toujours en RDC, qu’elle sera promue comme Directrice en Marketing.

Déterminée et attachée à poursuivre sa passion depuis l’enfance, Lauren MUNTU décide alors de quitter l’entreprise pour se lancer dans la maçonnerie. Habituée, il y a plusieurs années dans ce métier à prédominance masculine, Lauren MUNTU est une denrée rare des Congolaises à entreprendre dans cette carrière. Une femme de fer. Votre magazine Femme d’Afrique est allé à sa rencontre.

Femme d’Afrique : Parlons-nous de vous en quelques mots. Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours ?

Lauren MUNTU : Je suis Lauren MUNTU KITADI, mariée et mère de quatre enfants et je vis à Goma. Je suis initiatrice et Présidente de Union de cœur compatissant qui est une association sans but lucratif. Ancienne étudiante de l’ISC, je suis détentrice d’un diplôme en Sciences commerciale et financière précisément en option Marketing. Après mes études supérieures, j’ai été sollicitée par plusieurs entreprises de la place, tant publiques que privées. Un long parcours professionnel jusqu’à se décider de créer une ASBL, Union de Cœur Compatissant. C’est une organisation qui prend en charge les enfants et les femmes vulnérables ici dans l’Est de la RDC.

Au niveau de l’organisation, nous avons plusieurs programmes notamment le programme de l’Education ; nous accompagnons les enfants dans la réinsertion scolaire, nous leur dotons des kits scolaires à la rentrée et nous faisons des monitorings. Nous avons également le programme protection,  le programme d’autonomisation de la femme et de la jeune fille (nous les encadrons par des formations en entrepreneuriat, en leadership, en intelligence financière, la Bonne gouvernance ainsi que dans des métiers manuels.

Quelle est votre devise?

Ma devise, c’est la même qui anime notre association. C’est ces trois mots : l’apathie, la justice et l’intégrité.

Comment avez-vous démarré votre entreprise ?

Le début n’était pas facile, il fallait prendre des décisions qui pouvaient aussi compromettre beaucoup de choses que les gens ne pouvaient pas comprendre. C’était une idée folle mais j’étais ambitieuse de le faire.  Révolutionnée par les paroles de  mon coach des cours d’entrepreneuriat et de leadership qui nous disait pendant le cours : « Je ne vois pas normal que quelqu’un puisse rouler carrosse, se procurer un Smartphone et avoir des bijoux en or mais qui n’a pas une unité de production ». Cette interpellation m’avait beaucoup touché. Je me suis dit, je dois me débarrasser de tout ce qui est improductif dans mon environnement.  C’est ainsi que  j’ai commencé à m’organiser.

Nous voyons les jeunes femmes perdre l’élan dans leur passion, une fois mariée… Est-ce plus facile pour vous de faire les affaires en étant célibataire ?

Ce n’est pas évident, il y a aussi des femmes mariées qui émergent dans leur domaine de prédilection, j’en suis le témoignage vivant. Certes en étant femme célibataire, on a beaucoup d’avantages notamment en termes de liberté de prendre certaines décisions. De même en étant femme mariée, vous avez aussi des avantages tels que l’encadrement par son conjoint.  Personnellement, mon mari m’a beaucoup soutenu par des conseils, par des orientations, par son appui financier et moral. En tant que femme leader, il faut toujours planifier. Le mariage n’est pas un obstacle pour l’épanouissement de la femme dans les affaires mais il faut avoir un très bon dialogue entre les partenaires, essayer de tout cadrer et tout programmer. Il faut calendrier la maternité; une femme d’affaire n’est pas celle qui met au monde chaque année, ça risque de fragiliser les affaires. J’ai éduqué mes enfants, ils savent que quand on se réveille le matin, maman va à son travail.

Quand on voit une jeune femme émerger dans les affaires au Congo, on sous-entend qu’il y a un homme derrière. Qu’en pensez-vous ?

Pas forcément. Dans mon entourage, je connais beaucoup des femmes qui font des exploits et la plupart d’elles ne sont pas forcément mariées et n’ont ni un frère qui leur donne un coup de pouce. Elles émergent seules. Mais si tu as un homme qui te soutient, c’est aussi une bonne chose

Comment s’y prendre étant une femme en milieu professionnel dans un domaine très technique tel que la maçonnerie surtout que vous en faites partie ?

Les travaux de la maçonnerie sont une passion pour moi. Je me sens très bien dans cette peau. Je fais la maçonnerie paysagère, la décoration intérieure, la peinture. Les hommes m’encouragent. C’est plutôt les femmes qui s’indignent, elles pensent que ce sont des métiers sales. J’étais interpellée par mes collègues femmes. Lauren qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu fais ton choix dans la maçonnerie ? Je leur réponds toujours, c’est ma passion et c’est un rêve que je suis en train d’accomplir.

Quelles sont, à votre avis, les caractéristiques à développer pour réussir en affaires?

Dans la vie, il faut avoir la discipline pour aller loin. Quand on poursuit les objectifs, on a les yeux fixés sur ce qu’on est en train de faire. Il faut aussi du courage, de l’honnêteté en soi et envers l’autre et de la persévérance, ça nous arrive d’échouer, de tomber. Donc, nous devons apprendre de nos échecs, se relever et puis, continuer.

Des projets d’avenir pour votre entreprise ?

Le projet d’avenir, nous souhaitons avoir un grand atelier de travail où nous allons élargir la formation, nous avons beaucoup de métiers et nous voulons les augmenter dans notre baquet. Alors cela nous demande beaucoup de moyens que nous n’avons pas. Mais le projet est déjà sur la table. Nous voulons également mettre en place un atelier de menuiserie, un atelier de clouterie (nous voulons produire localement).

Un message pour les jeunes femmes qui hésitent encore à entreprendre dans ce domaine de construction qui reste très dominé par les hommes ?

Pour les jeunes femmes qui hésitent encore à se lancer dans des métiers à prédominance masculine, elles sont en train de perdre beaucoup. C’est une sphère vierge que nous devrons capitaliser. C’est un métier des hommes et chaque fois que la femme l’exerce, ça impressionne et tout le monde cherche à la connaître. Et, c’est nous qui gagnons.  A travers de cela, j’encourage toutes les femmes de nous joindre. Le métier manuel est une très grande opportunité pour nous les femmes qui devront saisir.

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