Journaliste et directrice de la « Radio Svein » émettant sur la 89.3 Mhz à Bukavu, dans le Sud-Kivu, Judith Asina parle, au cours d’une interview accordée à « Femme d’Afrique Magazine », de la situation de la femme des médias dans la province du Sud-Kivu et son combat pour bénéficier totalement de ses droits. Néanmoins, elle reconnait que ce n’est pas facile, au vu des pesanteurs culturelles dans d’autres coins de la RDC.
Femme d Afrique Magazine: Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Judith Asina: Je suis Judith Asina, journaliste et directrice de la Radio Svein, un média communautaire qui émet sur la 89.3 Mhz à partir de Bukavu, dans le Sud-Kivu. Avant cela, j’ai évolué pendant dix ans dans la presse écrite au journal La Prospérité et journal Congo Nouveau de Kinshasa.
Femme d’Afrique Magazine: Entant que journaliste, quelle lecture faites-vous de la situation de la femme au Sud-Kivu, précisément celles qui sont dans le secteur des médias?
Judith Asina: La femme au Sud-Kivu est en train de se battre pour se mettre au diapason, c’est-à-dire qu’elle lutte pour arracher ses droits. Ce qui n’est pas une chose facile, au vu des pesanteurs culturelles existant encore dans ce coin. Par exemple à Bukavu, une femme célibataire, même si elle travaille, ne peut pas se permettre de louer une maison. Sinon, elle sera traitée de vulgaire, légère,… En gros, une femme qui se laisse prendre par le premier venu. Vous comprenez de quoi je veux parler.
Le secteur des médias n’est pas épargné de ce modèle de discrimination. Les femmes qui évoluent dans les médias sont généralement mal vues dans la société. Ces pesanteurs culturelles poussent certaines femmes à abandonner le métier. Cependant, celles qui restent, tiennent beaucoup à ce métier noble malgré ses difficultés et ses exigences. L’Association des femmes des médias (AFEM) organise régulièrement des conférences pour remédier à cette situation. Je crois que nous sommes sur le bon chemin. A force de sensibiliser, les choses peuvent changer.
Par exemple dans ma rédaction, à part moi, il y a une autre femme qui occupe le poste de responsabilité. Ce qui n’est pas facile pour elle, car elle doit toujours prouver de quoi elle est capable. A part ça, nous avons aussi une autre femme qui présente une émission politique. Ce qui n’est pas facile, surtout dans le contexte qui est le nôtre.
Bref, les femmes des médias se battent pour faire respecter ce métier, bien qu’il n’y ait pas encore beaucoup qui occupent les postes de responsabilité.
Femme d’Afrique Magazine: Comment définissez-vous la liberté d’expression face aux enjeux politiques?
Judith Asina: La liberté d’expression est une liberté fondamentale garantie par la déclaration universelle des Droits de l’Homme et la Constitution de la RDC. Mais en ce qui concerne les enjeux politiques de notre pays, je crois que liberté ne devrait pas signifier libertinage. Les journalistes que nous sommes devrions respecter le code d’éthique et de la déontologie du métier qui nous régit. Les Autorités publiques également devrait veiller au respect de ce droit fondamental. Malheureusement, on n’assiste pas toujours à cela. Moi-même j’étais interpellé à l’ANR pour un dossier que je ne connais pas. Jusqu’à présent, je ne sais toujours pas quels sont les propos qui ont dérangé cette structure. Vous voyez! Des choses pareilles peuvent être considérées comme un musèlement de la presse. Alors que nous les médias, nous sommes un thermomètre de la démocratie. Les autorités devraient prendre de la hauteur. Ne pas considérer que les journalistes ou médias comme leurs ennemis. Nous travaillons tous pour un dénominateur commun qui est la RDC.
Femme d’Afrique Magazine: La femme du Sud-Kivu est-elle libre de dénoncer toute violence faite à son égard?
Judith Asina: Les violences faites aux femmes sont légion dans cette province. Seulement, il faut d’abord que la femme elle-même s’en rende compte pour dénoncer. Ce qui n’est pas toujours le cas. Vous vous souviendrez que dernièrement un homme a tué sa femme à Minova, pourtant cette dernière était défenseure des droits des femmes. Ce qui semble illogique! Donc, vous vous rendez compte que dénoncer n’est pas toujours facile dans cette province. Tout ça à cause des pesanteurs culturelles. Certainement que les femmes qui subissent ces violences se demandent ce que vont penser la communauté après avoir dénoncé. Il est donc important que les sensibilisations continuent pour aider les femmes, nous femmes, à dénoncer. Surtout qu’il y a plusieurs formes de violences que subissent les femmes en silence. Je félicite tout de même celles qui dénoncent pour que cette pratique prenne fin au Sud-Kivu.
Mot de la fin
Judith Asina: Je souhaite que la justice règne au Sud-Kivu, une province post-conflit. Comme dit Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, il n’y a pas de paix sans justice. Puisque c’est par manque de justice que la communauté tombe dans la justice populaire. En plus, il y a eu tellement d’atrocité que la population a vivement besoin de la justice!