Ils sont partis sauver des vies. Curieusement, Ils ont perdu la leur dans une tragédie qui choque. Quatre membres de l’équipe de recherche de l’École de Santé Publique de l’Université de Kinshasa (ESP-UNIKIN), ont été sauvagement tués, ce lundi 6 octobre, dans la zone de santé d’Isangi, dans la province de la Tshopo.
Ces professionnels de santé, en mission officielle dans le cadre du suivi des activités de vaccination en faveur des enfants de moins de 5 ans, ont été accusés à tort par des habitants d’être responsables du phénomène sorcellerique lié à la prétendue «disparition d’organes génitaux.»
Parmi les victimes, il y a les Docteurs Placide Mbungi et John Tangakeya, bien connus dans les cercles de santé publique. Selon des sources bien informées, malgré toutes les autorisations administratives obtenues, la présentation aux chefs locaux et les explications à la population, la rumeur a pris le dessus sur la raison.
« La foule les a attaqué pour être au final battu et brûlé vif. Ils n’ont pas reçu le soutien de quiconque, pas même de leurs documents officiels », a confié un survivant, encore en état de choc.
Une mission de santé pour les enfants, se transforme en drame
L’équipe de ces quatre agents de sante visait à recueillir des données essentielles dans les zones d’accès difficile, dans le cadre d’un programme national pour rattraper la vaccination des enfants sous-immunisés. L’objectif était simple : prévenir des maladies infantiles graves et sauver des vies.
« Ils sont morts pour que les autres vivent. Leur travail visait à donner une chance aux enfants oubliés du système de santé », a rappellé un cadre de l’École de Santé Publique.
Mais la désinformation, la peur et les croyances ancrées ont transformé des sauveurs en cibles. La fausse accusation et la clameur sur les prétendus « voleurs de sexe », phénomène superstitieux, source de justice populaire et de violences dans plusieurs provinces, a de nouveau causé l’irréparable.
Les femmes, les premières à souffrir, les premières à pleurer…

À Ilambi, ce sont encore des femmes, des mères, des épouses et des filles qui ont exprimé leur douleur face au drame. Ce sont elles aussi, dans les zones ciblées par cette campagne de vaccination, qui accompagnent leurs enfants vers les centres de santé. Et ce sont elles, souvent, qui paient le prix fort lorsque le système de santé échoue ou que des initiatives de terrain sont stoppées par la violence.
Au vu de cette tragédie, une question cruciale qui s’est posée : qui protège celles et ceux qui protègent les vies ?
L’ESP-UNIKIN demande justice
Dans un communiqué officiel publié dans la foulée, le Directeur de l’École de Santé Publique de l’UNIKIN, le Dr Éric Mafuta Musalu, a exprimé sa consternation :
« Ces collègues ont perdu la vie en plein exercice d’une œuvre salutaire. Ils étaient là pour aider, pour vacciner, pour bâtir l’avenir. »
L’institution a exigé ainsi sans détours une enquête approfondie et l’identification de cet acte odieux. Elle a saisi l’occasion pour appeler à la mise en place de mesures de sécurité renforcées pour les agents de santé, en particulier dans les zones où la peur, la clameur publique, les fausses accusations ou informations et les rumeurs prennent le dessus sur la science et les scientifiques.
En définitive, la peur ne doit pas étouffer la santé. Ce drame n’est pas un simple fait divers. Il a suscité une profonde interrogation sur la protection du bien commun et la relation existant entre la science, la santé publique, l’autorité étatique et les communautés. Soulignant dans le même temps, la nécessité d’un travail culturel et éducatif de longue haleine, en faveur des leaders communautaires, des femmes, des jeunes afin de désamorcer les peurs irrationnelles et de reconstruire la confiance à coup sûr.
Victoria Ndaka




