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Tragédie de Makala : les violences sexuelles en prison, symptôme d’un système pénitentiaire en déliquescence

Les événements tragiques survenus à la prison centrale de Makala, dans la nuit du 2 au 3 septembre 2024, où des femmes prisonnières auraient été victimes de viols perpétrés par des personnes non autrement identifiées, mettent en lumière les failles béantes du système pénitentiaire congolais.

Cet incident n’est malheureusement pas un cas isolé et rappelle d’autres tragédies similaires, tant en République démocratique du Congo qu’ailleurs, posant la question de la sécurité et des droits des détenus, en particulier des femmes.

Contexte : un système pénitentiaire à la dérive

La prison de Makala, comme beaucoup d’autres établissements pénitentiaires en RDC, souffre de surpopulation, de conditions de vie déplorables, et d’un manque criant de ressources humaines et matérielles. Ces déficiences structurelles créent un environnement où la violence, y compris sexuelle, peut se manifester sans obstacle majeur.

En 2020, un rapport des Nations Unies avait déjà pointé du doigt les violences sexuelles en prison, souvent perpétrées par des gardiens ou des co-détenus, exacerbées par un contexte d’impunité généralisée.

En RDC, les récits de violences en milieu carcéral sont nombreux, que ce soit à Makala ou dans d’autres prisons du pays, révélant un problème systémique.

Les cas passés : un miroir de la situation actuelle

Ce qui s’est passé à Makala fait écho à des incidents similaires dans le monde entier.
En 2011, en Haïti, des femmes détenues à la prison de Gonaïves avaient dénoncé des viols commis par des gardiens et des visiteurs masculins non identifiés.

Aux Etats-Unis, dans l’Etat de Californie, les prisons pour femmes ont également été le théâtre de multiples scandales de violences sexuelles, souvent commises par des membres du personnel pénitentiaire.

En RDC, un autre cas emblématique est celui de la prison de Beni, où, en 2017, des femmes avaient été violées lors d’une mutinerie orchestrée par des prisonniers masculins.
Ces incidents montrent que la cohabitation forcée des femmes et des hommes dans des environnements non sécurisés conduit souvent à des abus graves.

Ce qui a pu se passer au CPRK de Makala

Les informations préliminaires suggèrent plusieurs scénarios possibles pour expliquer ce qui s’est passé à Makala :

  1. Intrusion externe facilitée par la corruption ou les failles sécuritaires :
    Des personnes non autrement identifiées auraient pu pénétrer dans l’établissement avec la complicité de certains membres du personnel, profitant de la faiblesse des dispositifs de sécurité.
  2. Abus de pouvoir interne :
    Il est également possible que les agresseurs soient des personnes ayant un accès régulier à la prison, mais dont l’identité a été masquée ou protégée pour éviter des répercussions.
  3. Surveillance déficiente :
    Les nuits en prison sont souvent caractérisées par une réduction de la surveillance, ce qui peut permettre à des actes violents de se produire sans être détectés immédiatement.

Mesures préventives et perspectives d’évolution

Pour éviter que de tels actes se reproduisent, plusieurs mesures doivent être mises en place :

  1. Séparation stricte des sexes dans les établissements pénitentiaires :
    La création de prisons exclusivement pour femmes, ou au minimum de sections complètement séparées et sécurisées, est essentielle pour réduire les risques de violences sexuelles. Cette séparation doit inclure non seulement les détenus, mais aussi les gardiens et le personnel, avec une formation spécifique pour ceux qui travaillent dans des prisons pour femmes.
  2. Renforcement de la sécurité :
    L’installation de caméras de surveillance, la présence accrue de personnel pénitentiaire formé, et des systèmes d’alerte efficaces pourraient prévenir les intrusions et les abus.
  3. Lutte contre la corruption : Il est crucial de mener des enquêtes indépendantes et rigoureuses sur les allégations de corruption au sein des établissements pénitentiaires, avec des sanctions sévères pour les responsables.
  4. Amélioration des conditions de détention :
    Les prisons congolaises doivent être réformées pour offrir des conditions de vie dignes, réduisant ainsi la surpopulation, un des facteurs aggravants des violences.
  5. Accès à la justice pour les victimes :
    Les victimes de violences sexuelles en prison doivent avoir un accès immédiat à des soins médicaux, à une assistance juridique, et à une protection contre les représailles.

Vers une réforme profonde du système pénitentiaire

L’incident de Makala doit être un signal d’alarme pour les autorités congolaises. Une réforme profonde du système pénitentiaire est nécessaire, impliquant non seulement des changements structurels mais aussi un engagement renouvelé en faveur des droits de l’homme.
La création de prisons exclusivement pour femmes, avec des standards de sécurité élevés et un personnel formé aux questions de genre, pourrait être un premier pas vers la protection des plus vulnérables.

Cette tragédie doit inciter à une réflexion plus large sur la place des prisons dans la société congolaise et sur la manière dont elles peuvent être réformées pour devenir des lieux de réhabilitation, plutôt que des foyers de violence et de désespoir. Seule une approche globale, intégrant des réformes juridiques, institutionnelles et sociales, pourra garantir que de tels événements ne se reproduisent plus.

Fait à Kinshasa, le O4/09/2024

Maître Charlène YANGAZO DIMBA

yangazocharlene@gmail.com
+243824191526

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