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Culture

Le rite du veuvage chez les peuls du Cameroun

S’il existe un rite traditionnel en Afrique dont la seule évocation suscite la double face de Janus, tournée vers son passé nostalgique ancestral, et vers son futur marqué plus de religiosité, c’est le veuvage. Au-delà de la pratique, c’est tout un symbole, une tradition transmise de génération en génération, un héritage ancestral qui, désormais, se voit partager ses traits culturels avec la religion.

La cérémonie du veuvage telle que vue par les aïeux, est un acte traditionnel dont le but est d’accompagner l’esprit du défunt vers le monde des morts. C’est aussi un rite de purification pratiqué sur le veuf (ve)  contre la souillure de la mort. Comment est aperçue cette cérémonie de veuvage au Cameroun ?  Femme d’Afrique vous amène dans le pays des Lions indomptables, chez l’un des peuples les plus répandus du continent, les peuls. Voyage au Cameroun profond.

Les peuls appelés aussi « Foulani » ou encore, « fulbhès » selon les pays, sont des peuples traditionnels qui font partie du groupe ethnique le plus important en Afrique. Ils occupent une majeure partie de l’Afrique de l’Ouest. Au Cameroun, c’est dans les trois régions du Grand nord et dans la zone anglophone du pays qu’ils sont plus  concentrés. La femme peule du Cameroun a sa  façon de rendre hommage à son mari. Dominées par la religion islamique, les pratiques culturelles chez les peuls du Cameroun sont fortement influencées par cette religion. Ce qui fait qu’à un moment donné, c’est difficile de situer la frontière.

Chez ce peuple africain, le plus anciennement islamisé d’Afrique, les traits culturels initiaux ont disparu avec le temps pour être remplacés en majeure partie par la religion. C’est le cas de celui du veuvage.

Suddaru (se voiler) et Sudditaago (se dévoiler)

Chez les peuls du Cameroun, explique Aboubakar Halilou, un des ressortissants peuls du Cameroun, lorsque l’homme décède, dès le premier jour, toute la famille est alertée et convoquée pour accomplir les rites funéraires conformément à la tradition islamique. Pour la femme du disparu, les rites du veuvage commencent effectivement après la période du deuil qui dure trois jours après l’enterrement et vont se poursuivre pendant quatre mois et 10 jours, sauf si elle est enceinte. Dans ce cas, le délai se termine avec l’accouchement. Cette première étape est très importante car c’est de là que débute réellement le processus.

Et poursuit-il, « C’est à partir de ce moment que la femme rentre dans cette période de veuvage appelée Suddaru (elle s’est voilée). Pendant cette période du veuvage, nommée aussi période de viduité par l’Islam, la femme est souvent assistée, surtout si celle-ci est encore jeune, de sa maman si elle est vivante, de sa grande mère ou ses tantes. Ces dernières sont censées veiller au respect du rituel ». Les règles du veuvage selon l’Islam, se résume globalement à quatre points : 1- ne pas se marier, 2- demeurer, au cours de cette période, dans le domicile conjugal, sauf contrainte majeure, 3- ne pas faire des sorties intempestives, limiter les déplacements, donc pas de voyages, et enfin 4- éviter de porter des parures : bijoux, ornements de beauté, ne pas abuser de parfums et autres extravagances. 

Les règles ne font pas d’exception, reconnait-il. Cependant, on observe très souvent des dérapages et des exagérations dans la mise en application de ces règles, dans le sens contraire à l’islam telles qu’exiger de la veuve de ne pas sortir de sa chambre, de se priver de toilette (elle ne doit se laver et changer des habits que tous les 7 jours (une semaine). Une pratique qui n’est pas autorisée chez les musulmans, qui  par contre, autorisent la femme de prendre son bain en toute liberté, défend-il.

Parmi les principes à observer, la femme doit s’abstenir de beaucoup de choses, entre autres, limiter les travaux ménagers, s’abstenir de nouer des contacts avec des prétendants encore moins de se fiancer par un autre homme. Elle doit aussi éviter de sortir régulièrement de la maison, excepté dans le cas d’extrême urgence comme la maladie. Elle ne doit pas non plus être trop expressive dans la manifestation de ses sentiments de joie, de gaieté, ou rire aux éclats…Elle doit garder un esprit de deuil ».

Il faut indiquer que pendant la période de deuil, et après les trois premiers jours, explique- t-il, tous ceux qui ont appris la nouvelle du décès en retard, viennent rendre une visite de courtoisie à la famille éprouvée. Mais durant les trois premiers jours, la famille endeuillée reçoit l’assistance des proches, des amis, de la famille, etc. Les hommes se saluent entre eux et restent devant la cour et les femmes par contre,  entrent dans la maison pour saluer et compatir avec la veuve et ses enfants. Entourée de ces proches, la veuve et ses enfants restent en compagnie de sa belle – famille. 

Entre conservateurs et progressistes

Après trois jours passés, la famille fait une petite cérémonie afin de libérer ceux qui sont venus pleurer le départ du défunt. Chacun va continuer à vaquer librement à ses occupations sauf la veuve et ses enfants. Eux par contre, vont rester seuls, pour continuer leur deuil, et recevoir les retardataires. Le septième jour passé, c’est au tour de la veuve de poursuivre  seule, son deuil. Les enfants s’ils sont mariés ou habitent ailleurs vont reprendre leur vie quotidienne. Commence alors pour la veuve la longue période de solitude où elle sera face à face avec sa tristesse et son destin.

Une fois les quatre mois et dix jours écoulés, la veuve sort de son deuil et se dévoile  » Sudditaago ». C’est la fin du rite du veuvage, précise-t-il. Les deux familles, les proches, les amis… viennent alors célébrer la fin du deuil. La veuve se fait belle et propre. C’est la fête, chacun amène un cadeau (parfum, pagne…). Ainsi débarrasser du rituel de veuvage, la veuve est libre de commencer une nouvelle vie.

Au regard des  dérives qui  découlent de la pratique du veuvage chez les peuls, où s’opposent les conservateurs d’une certaine tradition et les puritains de la religion musulmane, c’est-à-dire entre ce que dit l’Islam et ce qu’en pense la tradition, la question de savoir si maintenir cette pratique a encore un sens aujourd’hui, tombe de source. Et lorsque nous la posons à Aboubakar Halilou, sa réponse est sans ambiguïté. :  » Le rite du veuvage joue une fonction sociale très importante. C’est un moment qui permet à la veuve d’exprimer et de vivre son deuil, tout en saisissant cette période de solitude pour se reconstruire. Dès que cette période est finie, elle est libre de refaire sa vie et de prendre d’autres engagements. Quant à l’avenir du rite du veuvage chez les peuls, il faut se rendre à l’évidence que de plus en plus, il  est ramené à sa plus simple expression islamique.

« La connaissance religieuse étant plus répandue, les dérives reculent et on ne remarque pas beaucoup de dérapages.  Par exemple de nos jours, une veuve peut sortir et aller travailler pendant sa période du veuvage, sans que cela pose un problème, une chose qui n’était pas le cas, avant.  Dans le sens où on continue d’appliquer ce que l’islam a recommandé, les dérapages auront de plus en plus du mal à se faire une place dans la société peul « 

L'auteur

3 Commentaires

  1. Ouf! Notre Afrique avec ses principes unidirectionnels 🤦.

    La tradition de tout un peuple qui ne tourne qu’autour de la femme. Qu’en est il du veuf alors ?

  2. Le problème fondamental avec tous les peuples islamisés, c’est qu’on n’établit pas la frontière entre ce qui relève de la culture islamique et ce qui est propre à la culture de ces peuples avant l’imposition de cette religion étrangère. En effet, la lecture de ce texte ne nous présente que les rituels de l’islam ; la conclusion de l’auteur le confirme. L’islam semble avoir saper les fondements culturels des peuples  » convertis » au point de les acculturer pour que vive seulement l’identité musulmane.

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