« Les femmes de Pakadjuma », un roman réalisé sous forme d’enquêtes par la journaliste congolaise Ange Kasongo adihe. Ce livre de 89 pages parle de l’histoire de la jeune Ophélie qui retourne à Pakadjuma, un quartier situé à Kinshasa, sa terre natale, après 15 ans de vie à Lille en France. À son arrivée, elle constate que ce lieu est resté une enclave, où les autres Kinois ne s’aventurent pas, à cause de sa mauvaise réputation. Elle nous explique son parcours et se laisse découvrir par cette interview.
Qui est Ange Kasongo Adihe ?
Journaliste congolaise et je m’essaie à l’écriture. Diplômée en Science Politique de l’École supérieure de journalisme de Lille. Je suis également une ancienne de l’Institut facultaire des Sciences et Communications (IFASIC). Depuis un moment, j’ai posé mes valises à Kinshasa avec l’Agence France de Presse et je m’occupe du fact-checking à Kinshasa.
Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce métier du journalisme ?
Lorsque j’étais gosse, je voyais mon père écouter la radio en lisant ou en écrivant. Ce qu’il fait encore aujourd’hui. Je pense que cette image a été d’une grande influence dans mon choix pour le journalisme. Et puis découvrir le monde à travers les personnes que l’on rencontre.
Quel est votre bon souvenir dans ce métier ? Et le mauvais ?
Chaque expérience professionnelle, chaque nouveau projet, chaque rencontre enrichissante restent des bons souvenirs pour moi.
Comment et pourquoi avez-vous eu cette idée d’écrire un livre sur « les femmes de Pakadjuma » ?
J’ai eu l’idée de faire une immersion à Pakadjuma par curiosité. Je suis kinoise et à chaque fois que j’entends parler de cet endroit dans les chansons, mais aussi à la Télé, les vidéos présentent toujours Pakadjuma sur sa mauvaise robe. Ma curiosité journalistique m’avait poussée à me poser la question, est-ce qu’à Pakadjuma il n’y a que le côté négatif ? Mais je ne savais pas comment me lancer.
Alors une fois sur Facebook, je crois en 2017, j’avais posté une photo “teaser” avec comme légende en lingala : « Nakeyi Pakadjuma » qui signifie en français, je vais à Pakadjuma. Je voulais tester l’intérêt que les internautes avaient sur ce bidonville. Les centaines de commentaires qui avaient suivi la publication m’avaient encouragée à me lancer dans une enquête, si on peut le dire ainsi pour apporter des réponses.
Au-delà de la curiosité, les gens avaient et ont toujours des clichés sur ce quartier. Pourtant, les gens ne veulent pas y mettre les pieds. Au-delà du fait que les gens ne veulent pas y mettre les pieds, les gens veulent critiquer et juger tout simplement à distance. Je suis partie de toutes ces questions. L’idée, c’était de faire un article de presse en trois épisodes par exemple, mais il y avait des choses à dire, la complicité de la police et les voleurs à révéler par exemple. Il fallait aussi protéger les sources et c’est à ce moment-là que l’idée de créer un personnage m’avait semblé être la meilleure.
Pourquoi les femmes ?
Parce que j’ai toujours été intéressée par la question sur les droits des femmes. On est tout de même dans un pays avec un gouvernement qui comprend 83 % d’hommes et 17 % de femmes alors qu’à l’issue des concertations nationales de 2013, parmi les recommandations, il était aussi question d’avoir une représentativité de la femme à une échelle de 30%. On en est où ? je pense que la femme congolaise a tellement des potentialités inexploitées, parfois négligées par les décideurs. Elle a tellement du courage et de la force à transmettre dans plusieurs domaines pour participer au développement du pays. Donc quand j’ai l’occasion, j’en parle.
Quel est votre rapport avec Pakadjuma ?
Loin de tout ce que j’ai lu dans certains articles de la presse congolaise, ce livre n’est pas autobiographique. Mon rapport avec Pakadjuma est avant tout, un lien de cœur. Kinshasa, ma ville. Limeté, la commune qui m’a vu naître. Et puis le fait que Pakadjuma soit considéré comme une zone rouge était excitant pour moi, car j’aime entraîner ma plume dans les zones interdites.
Pourquoi ce titre « Les femmes de Pakadjuma » ? Ça pouvait être, la vie à Pakadjuma ? N’est-ce pas ?
Les femmes de Pakadjuma, c’est mieux, car on pointe plus du doigt les femmes dans ce coin de la ville de Kinshasa. Je voulais être la voix des femmes ; ces femmes. Les sans voix, les sans parapluies, les sans appuis, les sans recommandations. J’ai toujours souhaité cela. C’est la réalisation d’un rêve d’enfant, ce livre.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour réaliser cette œuvre ?
Plusieurs. C’est compliqué ! Je vais en citer quelques-unes. Les difficultés liées à la démarche administrative pour obtenir les autorisations des responsables et d’approche, car il fallait réussir à faire parler les femmes, qui parfois ont besoin de l’autorisation de leur compagnon.
Ce n’est pas la première fois que vous écrivez sur Kinshasa, êtes-vous un grand fan de cette ville ?
Je suis une Kinoise pur jus. Vous trouverez dans mon livre quelques extraits du texte en Lingala ; c’est une manière de faire une déclaration d’amour à ma ville natale.
Quels sont vos projets d’avenir ? D’autres livres ou encore des documentaires ?
J’ai deux projets des livres pour 2020 après “ Les femmes de Pakadjuma” et “ Aux creux des mots” publiés en 2019. Il faut que l’on raconte, nous-même d’abord, notre histoire avec nos mots, nos ressentis, notre regard et notre passion pour ce pays.